Loi Duplomb : la Fondation GoodPlanet appelle à se baser sur la science pour déterminer l’intérêt général en refusant de céder à la tentation de la « simplification » qui affaiblit la démocratie.
Loi Duplomb, suppression des ZFE, tentative de moratoire sur les renouvelables, des retours en arrières politiques en opposition avec ce que la science dit sur l’écologie

Les récentes attaques menées contre l’écologie sont non seulement scandaleuses, mais elles questionnent aussi le vivre-ensemble et la notion d’intérêt général. Dans cette tribune publiée dans le GoodPlanet Mag', la Fondation GoodPlanet appelle à se baser sur la science pour déterminer l’intérêt général en refusant de céder à la tentation de la « simplification » qui affaiblit la démocratie.
L’adoption par la Commission Mixte Paritaire fin juin de nombreux aspects de la proposition de loi du sénateur Duplomb sur la « simplification de la vie des agriculteurs » est la dernière attaque en règle des lobbys de l’agriculture industrielle contre l’écologie. Au nom de la « simplification », cette proposition de loi entend revenir en arrière sur des normes, justement édictées afin de préserver l’environnement, la santé et in fine l’intérêt général. Pesticides et élevages industriels sont justement réglementés en raison de leurs impacts sanitaires et écologiques de plus en plus documentés. Réautoriser l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, dont l’usage est interdit en France depuis 2020, n’a rien d’anodin. Faciliter l’installation des élevages ou des méga-bassines non plus. Au motif de « lever les contraintes qui pèsent sur le métier d’agriculteur », les représentants élus du peuple ignorent ce que la science dit, ainsi que le principe de précaution tout en n’apportant aucune réelle solution aux difficultés rencontrées par le monde agricole, et en faisant courir des risques sanitaires importants. En effet, la diversité du monde agricole (agriculture raisonnée, bio, agroécologie, petites exploitations, variété des cultures et des élevages…) fait qu’il ne peut se résumer aux grandes exploitations tournées vers une production de masse qui repose sur la monoculture à grande échelle (néfaste pour le vivant), sur le recours aux intrants (pesticides et engrais) et au pétrole et sur l’élevage intensif. Les répercussions sur les paysages, la biodiversité, la qualité des sols et de l’eau de l’agriculture industrielle productiviste devrait conduire à accompagner le monde agricole vers une transition qui prend en compte le vivant. C’est pourquoi il s’avère vital de soutenir celles et ceux qui s’efforcent de concilier production alimentaire et respect du vivant par leurs pratiques et leurs savoir-faire. Or, c’est à eux qu’il faudrait accorder davantage de soutien et de reconnaissance car depuis des années, voire des décennies, ils peinent et n’ont pas toujours les moyens de subsister.
« Simplification », un mot valise pour justifier des aberrations
Simplification et préservation de l’environnement sont sans nul doute antinomiques. L’écologie implique d’appréhender la complexité de la réalité du monde et des relations d’interdépendances entre les éléments qui constituent un milieu. Ainsi, on le sait maintenant, que déréguler, l’autre terme pour simplifier, pour produire davantage afin de faire plus d’argent est contreproductif, car cela s’opère souvent au détriment de la santé de l’environnement et des populations. De plus, et on le voit avec la crise climatique qui est désormais enclenchée à un rythme plus rapide que les prévisions des scientifiques, ignorer les réalités physiques du monde n’est plus possible. Au final, c’est souvent la collectivité qui subit et paie en grande partie les dommages causés. Ceux-ci sont multiples comme les coûts de santé engendrés par les maladies provoquées par la pollution sans parler des coûts de dépollution éventuelle des eaux et de la dégradation des sols. La question n’est pas qu’environnementale, elle est aussi sociale et sanitaire puisqu’il faut rajouter les coûts sanitaires d’une alimentation industrielle bien souvent mise en cause dans de nombreuses maladies chroniques non-transmissibles.
La loi Duplomb, la suppression des zones à faibles émissions, la tentative de moratoire sur les énergies renouvelables sont autant de tentatives de refuser un changement de modèle tant économique que social afin de garantir une transition écologique nécessaire. Céder aux sirènes de l’inaction, car changer et réguler serait trop complexe, revient à admettre une forme d’inaction et laisse à penser qu’il n’existe pas d’alternative. Or, spécifiquement, le propre du politique est de créer de nouveaux horizons, de débattre, de dialoguer, de créer du mouvement voire du consensus pour refuser la fatalité. C’est pourquoi à la Fondation GoodPlanet, comme acteur de sensibilisation aux enjeux environnementaux, ces coups portés à la défense de l’environnement, renforcent notre conviction dans le fait que sensibiliser et former à l’environnement demeure plus que jamais nécessaire. Car, la prise de conscience environnementale n’est pas un acquis, et même si le diagnostic sur l’état très dégradé de la planète fait consensus, il ne suffit plus à motiver. Les solutions existent, elles ne sont pas que technologiques et impliquent de se remettre en question. C’est sans doute la dimension la plus délicate quand on veut tendre vers un monde plus durable.
Recul de la notion d’intérêt général
Refuser le découragement, c’est dire non à des aberrations et aux retours en arrière. L’écologie sert trop souvent de bouc-émissaire lorsqu’on ne veut pas agir, au motif que c’est trop compliqué ou trop onéreux. Les premières évaluations du coût de la vague de chaleur de ce début d’été 2025 sont déjà évaluées à un demi-point de croissance du PIB au niveau européen. Mais, face aux crises écologiques, comme en matière de santé publique, l’inaction finit toujours à terme par couter plus cher que la prévention. Pour ne parler que de la transition climatique, les investissements requis dans la décarbonation pour limiter le réchauffement aux ambitions de l’Accord de Paris sont évalués entre 0,5 % et 1 % du PIB par an d’ici 2050 tandis que le coût de l’inaction est évalué à 15 % du PIB en 2050.
Les reculs sur les sujets environnementaux sont également des signaux d’alerte sur l’affaiblissement de la notion d’intérêt général et l’impression que les représentants du peuple écoutent parfois davantage les lobbys que les citoyens. Cet état de fait contribue à l’affaiblissement de la démocratie. Or, celle-ci, sous réserve de la reconnaissance de la participation citoyenne, doit et peut être un rempart face aux intérêts privés., chacun a des droits et des devoirs, le respect des mesures en faveur de l’environnement en fait partie. La transition écologique est une formidable opportunité de faire société en imaginant ensemble un monde soutenable et désirable : cela implique de tendre collectivement vers une écologie qui relie et non qui divise. Faire société, c’est être solidaire, faire face ensemble aux défis et trouver des solutions Ainsi, aujourd’hui, développer des alternatives aux pesticides, limiter la taille des élevages, refuser la captation privée de l’eau, réduire les émissions polluantes des véhicules, favoriser la transition vers une énergie bas-carbone sont des nécessités. Cela doit être entrepris en gardant à l’esprit l’impératif de justice sociale afin de ne pas laisser les plus vulnérable au bord du chemin, c’est un principe de base de la solidarité qui ne doit pas être dévoyé. Or, l’argument de préserver les plus faibles menacés par la transition écologique est de plus en plus invoqué à tort et à travers. Refuser de changer une société dont le mode de fonctionnement se montre mortifère pour les équilibres écologiques vitaux pour la survie de l’humanité équivaut à ne rien faire. Lorsque la science et les faits ont déjà envoyé toutes les alertes, c’est inacceptable. Heureusement, il est encore possible de se mobiliser avant qu’il ne soit trop tard.
Yann Arthus-Bertrand (président fondateur), Anne-Isabelle Dauça (directrice de la communication), Cédric Javanaud (directeur général) et Julien Leprovost (journaliste pour GoodPlanet Mag’) pour la Fondation GoodPlanet