Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 17 septembre 2025 - 15:01 - Mise à jour le 17 septembre 2025 - 15:21 - Ecrit par : Célia Szymczak
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Bio, proximité, conditions de travail... Comment transformer le secteur de la restauration ?

Face aux enjeux écologiques et sociaux, le secteur de la restauration doit se réinventer. Ce sujet faisait l’objet d’une table ronde organisée lors des Rencontres de l’alimentation durable, à Paris, le 16 septembre.

L'une des solutions pour transformer la restauration est de végétaliser les menus et de privilégier l'agriculture biologique. Crédit : iStock.
L'une des solutions pour transformer la restauration est de végétaliser les menus et de privilégier l'agriculture biologique. Crédit : iStock.

 

Les restaurants, fast-foods, hôtels ou encore traiteurs doivent se transformer pour répondre à de multiples défis sociaux et environnementaux. Encore très peu d’établissements se sont convertis à l’agriculture biologique – la restauration commerciale représente 1 % du marché bio. Le gaspillage reste massif : 180 grammes d’aliments comestibles sont jetés en moyenne pour chaque repas pris dans un restaurant. Par ailleurs, les conditions de travail sont difficiles, les violences en cuisine sont dénoncées de façon croissante. Les nécessaires évolutions du secteur faisaient donc l’objet d’une table ronde dans le cadre des Rencontres de l’alimentation durable, organisées à Paris le 16 septembre par la Fondation Daniel et Nina Carasso.  

Pour Louis Frack, l’engagement pour la transition écologique a commencé par le bio. En 2011, il co-fonde Bioburger, une enseigne de restauration rapide commercialisant des burgers avec des produits issus de l’agriculture biologique. Il souhaite les proposer « au maximum possible à prix juste » : aujourd’hui, un menu coûte environ 15 euros, soit « 30 % » de plus que chez McDonalds mais moins que chez d’autres chaînes de « burgers qualitatifs », selon l’entrepreneur. Il revendique aujourd’hui, par ailleurs, une carte « flexitarienne », avec plusieurs options végétariennes qui « donnent envie », y compris aux clients qui mangent de la viande ou du poisson.   

 


À lire aussi : Ces chefs qui mettent la cuisine végétale à l’honneur 


 

Un « décalage entre le marché et l’écologie » 

 

Mais le bio coûte cher. Alors en 2016, l’enseigne créée sa propre centrale d’achat, afin de travailler en direct avec les producteurs ou les transformateurs. « Vous avez l’agriculteur, le meunier, le boulanger et Bioburger. Vous n’avez pas d’intermédiaires au milieu », illustre Louis Frack. Le groupe compte aujourd’hui 27 enseignes et affiche 23 millions d’euros de chiffre d'affaires. « Un de nos secrets », avance-t-il, « c’est d’avoir industrialisé le processus » : une production « en massifiant les volumes, pour assurer une qualité constante à un prix le plus bas possible ». Cela compense « un petit peu le coût de nos achats », indique Louis Frack.  

Si le modèle économique de Bioburger fonctionne, le co-fondateur de l’entreprise alerte sur un « décalage entre le marché et l’écologie ». . Alors que l’agriculture biologique permettre de préserver la biodiversité et le climat, s’approvisionner en produits biologiques coûte plus cher aux restaurateurs  « Nous supportons un coût que l’on ne devrait pas supporter tout seuls », souligne-t-il à ce titre, faisant référence au rôle de « l’État ». « Sans aide et sans accompagnement, avec des mesures très fortes là-dessus, il y aura un jour une limite » regrette-t-il.  

 


À lire aussi : Dans l'agriculture biologique, une crise sans précédent depuis trois ans 


 

Trouver des solutions pour améliorer les conditions de travail 

 

Le chef Eloi Spinnler, lui, a constaté un gaspillage « effarant » lors de son passage « dans certains restaurants étoilés ou haut de gamme ». Quand il ouvre son propre restaurant parisien en 2021, il souhaite adopter une démarche « antigaspi ». Depuis, son groupe compte deux autres établissements, dont le dernier a ouvert en septembre « dans l’inspiration d’un buffet à volonté repensé pour être le plus responsable possible ». Il revendique la mise en avant des légumes, une attention à l’approvisionnement, ainsi qu’au « portionnage et [à] la sensibilisation des clients et des équipes ». « On est en train de retirer le nom des poissons des menus », fait-il aussi valoir, expliquant que les volumes de pêche responsable ne permettent pas d’avoir une certitude sur le type de poisson livré d’une semaine à l’autre.  

À propos des questions sociales, le chef se réjouit d’avoir « recruté soixante personnes en un mois » pour son nouveau restaurant, dans un secteur marqué par de très fortes tensions pour trouver des salariés. Des « cours de coaching » sont proposés aux managers « pour qu’ils se forment à gérer leur colère ». Eloi Spinnler affirme aussi que son groupe respecte les horaires de travail, dénonçant les « heures à rallonges non payées » dans d’autres établissements, favorisant selon lui les comportements violents. Les salariés travaillent en coupure – cela signifie qu’ils ont une pause entre le déjeuner et le diner -, faute de « solutions ». Mais ils bénéficient de trois jours de repos par semaine, insiste encore Eloi Spinnler.  

 

S’intéresser au début de la production alimentaire 

 

« Quand on est restaurateur, on ne sait pas par quel bout prendre la chose : est-ce qu’on commence par le social, par l’écologie, par l’approvisionnement, par le plastique ? », constate Paul Charlent, membre du conseil d’administration de la communauté Ecotable et engagé au sein du mouvement Restaure, deux organisations agissant pour la transition de la restauration.  

Lui témoigne à propos de la Ferme de l’envol, un lieu de 80 hectares situé en Île-de-France, où sont produits fruits et légumes en agroécologie. Elle fournit plusieurs restaurants parisiens. « Nous avons décidé de rémunérer les agriculteurs 2 600 euros net par mois », détaille Paul Charlent, « ils cotisent à la retraite, au chômage. On change complètement le modèle et le rôle de l’agriculteur. »  

« On », ce sont les associés de la société coopérative d’intérêt collectif (Scic), dont font partie les agriculteurs et les restaurateurs. « La ferme co-appartient à tout le monde », résume Paul Charlent. « Le restaurateur ne négocie plus le prix avec l’agriculteur, puisque c’est sa société aussi. Le rapport de force est complètement différent », estime-t-il.  Avec ce modèle en « circuit ultra-court », « on voit le pouvoir des restaurateurs, de la restauration commerciale » pour s’engager dans la transition.  « On prouve, à des petites échelles certes pour l’instant, que c’est faisable » conclut-il.  

 

Célia Szymczak 

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer