Devoir de vigilance et durabilité des entreprises : une marche pour lancer l’alerte
L’entrepreneuse Julia Faure, le député socialiste Dominique Potier et l’ancien eurodéputé Renew Pascal Durand organisent une marche « pour les droits humains », de Roubaix à Bruxelles du 20 au 23 septembre. L’objectif est de défendre plusieurs textes européens liés à la durabilité des entreprises, dont celui sur le devoir de vigilance.

Une marche « symbolique » pour défendre la directive sur le devoir de vigilance et les autres textes européens liés à la durabilité des entreprises, dont la réforme est en cours. C’est ce que proposent Julia Faure, la co-fondatrice de la marque de mode Loom et co-présidente du mouvement d’entreprises « engagées » Impact France, le député socialiste Dominique Potier et l’ancien député européen Renew, Pascal Durand.
Du 20 au 23 septembre, ils vont marcher de Roubaix à Bruxelles. Le choix de la ville du Nord comme point de départ n’est pas anodin puisqu’elle est le « symbole du déclin et d’une possible renaissance de l’industrie textile », dont les conditions sociales et environnementales de productions sont souvent pointées du doigt. En 2013, le Rana plaza, un immeuble où se trouvent les ateliers de sous-traitants de grandes marques d’habillement européennes, s’effondre au Bangladesh, causant plus de 1 000 morts et de nombreux blessés. Cette catastrophe constitue un élément déclencheur pour le vote de la loi française sur le devoir de vigilance, en 2017, qui inspire ensuite la directive européenne adoptée sept ans plus tard. L’ambition de ces politiques : rendre les entreprises responsables des atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par leur activité sur toute leur chaîne de valeur, y compris par leurs sous-traitants et fournisseurs.
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Des points sociaux et environnementaux « essentiels »
La réforme dite « omnibus » lancée en février dernier par la Commission européenne, concerne la directive sur le devoir de vigilance, dite CS3D, et deux autres textes : la directive sur les rapports de durabilité (CSRD) et la taxonomie verte. La première impose aux entreprises de rendre compte des effets de leurs activités sur les enjeux sociaux et environnementaux. La seconde permet de qualifier les activités économiques considérées comme durables. Il s’agit de « moteurs importants du Pacte vert », la feuille de route environnementale de l’Union européenne, indique Dominique Potier.
La Commission entend simplifier les normes auxquelles doivent répondre les entreprises. Elle propose, entre autres, de limiter le nombre de sociétés concernées, le nombre d’informations à renseigner dans le cas de la CSRD ou de « concentrer les exigences sur les partenaires commerciaux directs » de la CS3D. À la suite de sa proposition, plusieurs ONG déplorent une « dérégulation massive et sans précédent », Impact France constate un « premier recul de l’ambition européenne ». Depuis, le Conseil de l’Union européenne, représentant les États membres dans le processus législatif, a adopté une position qui va encore plus loin dans le sens de la dérégulation que celle de la Commission.
Si Dominique Potier estime que la loi peut être simplifiée à certains égards, il considère que « trois points sont absolument essentiels ». Il faut à ses yeux que les obligations visant au respect des objectifs climatiques internationaux par les entreprises « soient prises en compte, quelles que soient les modalités ». Pour la CS3D, il alerte sur la proposition de se concentrer sur les partenaires commerciaux directs de l’entreprise. Le texte est « une illusion si ça ne va pas au-delà », avance celui qui a été le rapporteur de la loi française. Enfin, il appelle au maintien du régime de responsabilité civile harmonisé à l’échelle européenne, qui permet aux victimes d’atteintes aux droits humains et à l’environnement d’obtenir réparation auprès des entreprises dans un cadre commun.
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Plusieurs actions avant les débats d’octobre
Sur ces sujets, parce qu’ils sont techniques et européens, il y a une espèce d’indifférence. C’est peut-être un des torts de ces combats depuis le début, peut-être qu’ils ont manqué de pédagogie »
Dominique Potier, député français
Pendant leur marche, les trois organisateurs seront rejoints par des représentants associatifs et syndicaux, dont Benoît Hamon, le président de l’organisation représentative des acteurs de l’économie sociale et solidaire ESS France, la présidente de l’ONG CCFD-Terre solidaire Virginie Amieux ou des représentants de Max Havelaar France. À Bruxelles, ils rejoindront une manifestation organisée par d’autres ONG, avec Les Amis de la Terre Europe.
De Roubaix à la Belgique, l’objectif n’est pas de mobiliser des dizaines de citoyens, ni d’aller massivement à leur rencontre, mais d’attirer l’attention. Dominique Potier analyse la réforme en cours comme « le triomphe de lobbies superpuissants » dont « le premier allié est le silence médiatique ». « Sur ces sujets, parce qu’ils sont techniques et européens, il y a une espèce d’indifférence. C’est peut-être un des torts de ces combats depuis le début, peut-être qu’ils ont manqué de pédagogie », analyse l’homme politique, qui promet que « le combat ne s’arrêtera pas là » et annonce « d’autres initiatives », avant les débats du Parlement européen sur le sujet fin octobre. « Nous voulons un monde où les enfants aillent à l’école plutôt que dans les champs ou les usines », affirme-t-il.
Reste à savoir quel poids aura l’initiative. Cette réforme s’inscrit dans un contexte de backlash, de multiplication des retours en arrières sur les politiques environnementales en Europe comme en France, depuis 2024. « Nous ne sommes pas des militants à la mode », reconnaît Dominique Potier. « Nous travaillons avec très peu de moyens », ajoute-t-il, « en face de nous, nous avons [l’organisation patronale] BusinessEurope, une machine superpuissante avec des moyens financiers inouïs. »
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Célia Szymczak